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"Révolution" ou "gadget": à Bordeaux, le vin se met aux jetons numériques NFT - Frenchweb.fr

« Révolution numérique » dans les chais ou bien « marché de niche »? Plusieurs châteaux bordelais ont associé leurs bouteilles de vin à des NFT, certificats numériques infalsifiables, une technologie jugée « sexy » et susceptible de rajeunir leur clientèle… malgré des volumes encore limités.

Déjà implantés dans le marché de l’art ou dans la mode, ces NFT (« non-fungible tokens », ou jetons non-fongibles) présentent plusieurs avantages pour le monde du vin, selon leurs promoteurs.

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Basés sur la chaîne de blocs, ou « blockchain », ces actifs numériques jumelés avec une bouteille permettent de garantir son authenticité ; de s’adresser à sa clientèle sans intermédiaires via, par exemple, un « club » de détenteurs de NFT ; ou encore de stocker le vin de manière optimale au château, sans transport inutile: seul le jeton numérique est amené à changer de mains au fil des transactions, jusqu’à livraison, sur demande, au consommateur final.

Cette innovation a séduit certains domaines bordelais, comme Château Pape-Clément, propriété du magnat Bernard Magrez, Château Smith Haut Lafitte, Château Edmus à Saint-Emilion ou encore Château Malartic-Lagravière.

« Beaucoup d’acteurs se disent qu’il y a une révolution numérique dans le vignoble et veulent en être », résume pour l’AFP Ronan Raffray, qui dirige le master droit de la vigne et du vin à l’université de Bordeaux.

– Rajeunissement –

L’un des atouts des NFT est leur traçabilité, dans un marché européen où la contrefaçon de vin représente une perte de ventes annuelle de 530 millions d’euros, selon un rapport de 2016 de l’Office européen pour la propriété intellectuelle.

La bouteille est en effet associée à un certificat infalsifiable listant ses propriétaires successifs.

« Et je ne peux pas acheter une fausse bouteille si elle n’a pas bougé » du château, complète Fabrice Bircker, juriste spécialisé en propriété intellectuelle au cabinet Plasseraud IP.

Mais les domaines concernés veulent surtout rajeunir leur clientèle.

« Comment séduire ces jeunes générations ? Le NFT a un côté numérique, sexy, avec un effet de collectabilité, un esprit de VIP », résume Charlotte Montaud, associée au sein de Plasseraud IP.

Cette innovation permet de cibler une « nouvelle communauté » de consommateurs de vin, plus jeunes, « un peu joueurs, un peu collectionneurs », confirme Séverine Bonnie, du château Malartic-Lagravière.

En 2023, ce Grand cru classé de Graves a vendu 150 magnums de vin primeur associés à des NFT… Tous écoulés en une heure, à 250 euros pièce.

« Un joli succès », savoure Séverine Bonnie, qui prévoit de recommencer. « Les autres châteaux m’ont posé plein de questions », s’amuse-t-elle.

– « Épiphénomène » –

« Comme aucun des grands châteaux ne voudra rater ce train, il va y avoir une première phase où beaucoup vont expérimenter », veut croire Ronan Raffray. « Et après ils verront l’avantage réel que cela procure. »

Cette innovation risque néanmoins d’être cantonnée au segment du vin premium et des grands domaines, tempère Jean-Marc Figuet, professeur à la Bordeaux School of Economics.

La vente de NFT associés au vin est « encore relativement confidentielle », souligne cet économiste, qui décrit « un marché de niche », un « appât à millenials » nés dans les années 1980 et 1990.

« On est plus sur une évolution qu’une révolution », reconnaît Maxime Garraud, cofondateur d’InterCellar, une start-up de vente en ligne de vins et spiritueux spécialisée dans les NFT.

Cette société d’une dizaine de salariés, qui vient de lever un million d’euros de fonds, revendique 300.000 euros de chiffre d’affaires en moins d’un an.

« On est un site internet où on peut acheter du vin un peu différemment. On vend du vin à des gens qui aiment les NFT et la tech. Le NFT est juste une solution avantageuse pour eux », explique Maxime Garraud.

La maison de négoce Bouey, elle, s’était lancée en 2022 mais s’est retirée récemment de ce marché qu’elle juge « minuscule », inférieur au million d’euros: seuls une cinquantaine de ses bouteilles associées à des NFT ont trouvé preneur.

« C’est un épiphénomène, à mon grand regret », déplore son PDG Jacques Bouey.

« La grande démocratisation n’est pas arrivée, car il faut pour cela un système complet, une place de marché durable », note-t-il. « La promesse était intéressante, mais pour l’heure c’est gadget, ça ne fait pas un marché. »

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