Rick Smith n’aura pas perdu son temps à Paris. Le lundi 1er juillet, le fondateur de la société américaine Axon Technologies, qui commercialise les pistolets à impulsion électrique de la marque « Taser », a été reçu au ministère de l’Intérieur. De passage en Europe, l’homme d’affaires a tenté de convaincre les autorités françaises d’utiliser son dernier gadget, « Draft One », lancé en avril dernier. Un produit destiné aux forces de l’ordre, déjà utilisé par la police de plusieurs Etats américains, comme la Géorgie et la Floride. Ce logiciel conçu pour aider les policiers sur le terrain permet de restituer de manière automatique les échanges filmés par la police.
Du lourd, au pays des Droits de l’homme. « Nous estimons que les forces de l’ordre perdent trop de temps avec la bureaucratie », se défend Rick Smith, attablé au restaurant du Bristol. « A chaque intervention, on demande aux policiers de rédiger des rapports, poursuit le patron. Nous estimons que ce travail peut être divisé par deux grâce à l’intelligence artificielle. » Au Canada, les policiers équipés de caméras-piétons utilisent déjà le logiciel « Draft One » pour gagner du temps. C’est ce qu’affirme, en tout cas, Rick Smith qui avance son succès : « Axon Technologies a réalisé 50 millions de dollars de chiffre d’affaires sur ce produit depuis son lancement. »
Du Taser aux caméras-piétons
Du haut de son mètre quatre-vingt et armé d’un franc sourire à l’américaine, Rick Smith a l’habitude de la jouer décontracté. Il connaît tous les clichés portés par son pays, qu’il se plaît à déjouer avec ironie, critiquant les dégâts des armes à feu. Ce natif d’Arizona, qui a connu plus d’une polémique depuis le lancement du premier Taser en 1993, se sait en terrain miné. « Je pense qu’il y a une manière de rendre la société plus sûre sans forcément tomber dans les excès de la Chine », défend-il. L’intelligence artificielle doit avant tout rester un assistant. Les procès-verbaux seront toujours relus par un policier, rassure-t-il. Le marché de la surveillance ? « Allons-y, mais faisons les choses de manière à en être fiers ».
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La fabrication de caméras-piétons est l’une des spécialités de cette société basée à Scottsdale, en Arizona. Avec les pistolets à impulsion électrique Taser, il s’agit de l’une de ses meilleures ventes : l’entreprise affirme en avoir écoulé presque un million à travers le monde. Les caméras d’Axon Technologies sont destinées aux forces de l’ordre. « Nos caméras ont une autonomie de 14 heures, souligne Rick Smith. C’est l’une des grandes différences avec les caméras GoPro. » Les images qu’elles enregistrent sont envoyées à des serveurs à distance et stockés dans les centres de données d’AWS (Amazon) ou Azure (Microsoft) avec d’immense flux d’information à traiter. « Nous avons plus de vidéos que YouTube et Netflix, plaisante-t-il. Mais avec un peu moins de spectateurs. »
Lobbying en France
Le logiciel « Draft One » se contente, pour le moment, de restituer le contenu audio. Il n’est pas encore en mesure de décrire les images filmées par les caméras-piétons des policiers, ni d’analyser les métadonnées. « Vous ne pouvez pas lui demander de trouver l’homme avec le chapeau rouge qui apparaît à telle minute dans la vidéo », précise le patron américain. Mais ce n’est qu’une question de temps, selon lui. Pour monter son offre en France, Axon Technologies a pris contact avec les fournisseurs de cloud Orange et Microsoft, qui devraient proposer à partir de l’an prochain une solution, « Bleu », pour stocker les données sensibles issues de ces caméras.
Implanté depuis 2018 à Londres, Axon concentre 20 % de son chiffre d’affaires en Europe. Mais Rick Smith ne répétera pas les mêmes erreurs que par le passé sur le marché français, où un contrat important lui a récemment filé sous le nez. Il y a quatre ans, un appel d’offres avait été lancé par le ministère de l’Intérieur pour fournir 30 000 caméras-piétons. Il avait été remporté par son concurrent, Motorola, pour un montant de 15 millions d’euros. Une très mauvaise surprise pour Axon Technologies qui embauche une dizaine de personnes à Paris. A l’heure actuelle, ses caméras équipent les polices municipales et les agents de sécurité dans les transports où elle compte de grands clients (la RATP, la SNCF, Transdev et Keolis).
Par le passé, Axon Technologies, qui s’appelait encore Taser jusqu’en 2017, n’avait pas hésité à pousser des amendements auprès des sénateurs pour remporter ces derniers contrats. Un travail confié au cabinet de lobbying Lysios, basé à Bruxelles. Cette fois-ci, il s’y est attaqué seul, comme en témoigne la fiche qui lui est consacrée par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Le groupe aurait dépensé entre 75 000 et 100 000 euros, l’an dernier, pour convaincre le cabinet de Gérald Darmanin de ne pas acheter des « solutions à bas coût de type dashcams » mais plutôt « des matériels technologiques de dernière génération ». Le message a-t-il été entendu ? D’après nos informations, un appel d’offres sur les caméras embarquées serait en cours d’étude place Beauvau.
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