En 2024, les Nantais pourront faire une demande à leurs élus sur un sujet précis lors d’un conseil municipal, sous certaines conditions. L’opposition s’interroge sur la réelle efficacité d’un tel dispositif.
Le Figaro Nantes
Un droit d’interpellation des citoyens envers les élus va être mis en place en 2024, à Nantes. À partir du mois de juin prochain, au moins une fois par an, un citoyen pourra poser une question spécifique aux élus lors du conseil municipal. Déjà instauré dans des dizaines de collectivités, cet outil sera une «façon supplémentaire pour les Nantais d’intervenir dans le débat public de leur ville», s’est félicité Bassem Asseh, le premier adjoint à la mairie, ce vendredi, lors du conseil municipal où cette mesure était débattue.
Des règles ont été fixées afin que cet «exercice démocratique» ne tombe pas dans une «logique populiste», a précisé le bras droit de la maire socialiste Johanna Rolland, en réponse à l’opposition de droite l’interrogeant sur les critères de sélection. Pour en arriver à la présentation de cinq minutes devant les élus, l’injonction de l’individu de plus de 16 ans devra en effet franchir plusieurs étapes. Après l’avoir déposée en mairie ou sur internet, son interpellation devra être recevable, c’est-à-dire avoir une portée d’intérêt général, avoir un lien avec les affaires communales et ne pas avoir été réglée auparavant ou fait l’objet d’une délibération au préalable. Un sujet tel que le stationnement payant, déjà abordé en amont, ne devrait donc pas être sélectionné.
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Soutien de 300 habitants
En cas de recevabilité, l’interrogation sera publiée sur la plateforme du dialogue citoyen pendant six semaines : là, elle devra recevoir le soutien d’au moins 300 habitants de trois quartiers différents pour ensuite être soumise à une commission composée d’élus de bords différents (proportionnellement à l’assemblée) qui se prononcera dessus. En cas d’avis favorable, l’avis sera transmis à la maire qui pourra l’inscrire ou non à la séance. Enfin, si le citoyen voit sa question sélectionnée, il disposera de cinq minutes pour l’exposer lors d’une suspension de séance : il n’y aura pas de débat, la parole ne lui sera pas redonnée et aucun vote ni délibération ne porteront dessus.
Au nom du groupe «écologistes et citoyens», membre de la majorité, l’élue Catherine Bassani, déléguée aux Budgets participatifs et bureau des projets, a salué un engagement de mandat : «Le droit d'interpellation n'est pas une agression ni une défiance, c'est une réponse à un besoin croissant d'implication et d'action dans l'intérêt général». «C’est l’occasion d’insuffler plus de démocratie dans le fonctionnement de notre ville mais c’est aussi encourager l’expression citoyenne tout au long du mandat», a abondé le conseiller municipal de gauche Aurélien Boulé Fournier.
«Une forme d'hypocrisie»
La droite, minoritaire dans l’assemblée nantaise, n’en demeure pas moins sceptique. «Sur le fond, je pense que permettre aux Nantais de participer plus à la vie locale est une bonne chose», a réagi Guillaume Richard, membre du groupe Mieux Vivre à Nantes (centre droit). Mais outre un processus assez lourd, il craint que cela devienne «un outil davantage là pour les élus, qui risquent de l'utiliser pour peut-être motiver des militants à aborder des sujets qui n'ont pas forcément leur place au sein du conseil municipal». Aussi, «un outil supplémentaire dans une ville qui a malheureusement 70% de gens qui ne votent pas aux élections locales, je trouve que c'est peut-être un peu donner de la glace aux esquimaux».
Foulques Chombart de Lauwe, anciennement membre du même groupe politique avant qu’il n’annonce en solo sa candidature aux municipales de 2026, a également fait part de son «scepticisme». Après avoir demandé quelques explications sur les critères de recevabilité, il n’a pas hésité à tacler le futur dispositif : «À quoi sert une interpellation s’il n’y a pas de dialogue ? La personne a le droit de s'exprimer mais ne peut pas répondre...». Pour lui, «on a fait mieux en termes de démocratie participative. Je ne vois pas en quoi cela augmente le pouvoir d'agir de nos citoyens. Si ça reste dans l'état, ça sera gadget et ça sera de la fausse démocratie participative». Envoyer une lettre serait alors plus avantageux : «Ça coûtera le prix d'un timbre, ça coûtera moins cher au contribuable, et on ne sera pas dans une forme de façade. Il me semble qu'il y a une forme d'hypocrisie et que vous gagneriez à en assouplir les modalités», a-t-il lancé, avec le franc-parler qui le caractérise.
«Vous conviendrez que la symbolique pour un citoyen, de pouvoir venir devant ce conseil municipal poser une interpellation, n'est pas exactement la même chose que d’envoyer un courrier avec un timbre, ce que les Nantais ne manquent pas de faire», lui a répondu l’édile Johanna Rolland. Les règles instaurées pour cet exercice dépendent de chaque collectivité. Le département de Loire-Atlantique a par exemple mis en place cette mesure en 2022.
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