NIKO TAVERNISE/NETFLIX
CINÉMA - “La réalité est parfois pire que la fiction.” Ces mots, ce sont ceux de Valérie Masson-Delmotte. Coprésidente du groupe n°1 du GIEC (le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), elle a partagé son avis sur la dernière superproduction de Netflix, le film d’Adam McKay Don’t Look Up, ce mardi 4 janvier sur Twitter.
“Le personnage de Kate Dibiasky m’a touchée avec ses doutes, son questionnement sur la manière de s’exprimer rigoureusement, clairement et sincèrement, écrit la paléoclimatologue française au sujet de l’héroïne jouée par Jennifer Lawrence. Avec son désespoir de ne pas avoir réussi à faire mieux, cette impression de vivre une tragédie grecque annoncée sans le sursaut ni le leadership nécessaires pour infléchir le cours des choses.”
Le long-métrage met en scène la star de Hunger Games et Leonardo DiCaprio dans les rôles de deux astronomes ayant fait une découverte à la fois excitante et terrifiante: une comète se dirige droit sur la Terre et s’apprête à anéantir l’humanité. Ils vont alors tenter d’alerter médias et dirigeants sur ce danger.
J'ai regardé en famille #DontLookUp pendant les vacances... et rapidement entendu "eh, maman, c'est la même chose que pour le changement climatique!"
Je voudrais partager quelques réflexions, au regard de certaines expériences à l'interface science / société...
— Dr Valérie Masson-Delmotte (@valmasdel) January 4, 2022
Comment communiquer?
“Le film montre le décalage entre le mode de fonctionnement des scientifiques, et celui du monde des médias et du pouvoir politique. Je l’ai clairement ressenti à de multiples reprises”, explique Valérie Masson-Delmotte sur le réseau social.
Comment les scientifiques doivent-ils communiquer? “L’enjeu est particulièrement délicat pour les femmes (scientifiques), qui, lorsqu’elles laissent transparaître leurs émotions, peuvent rapidement être attaquées (hystériques, etc.), développe l’experte. J’avais mal vécu, en 2011, le fait d’être qualifiée de ‘passionaria du climat’, par exemple. Un terme qui n’a pas d’équivalent pour un homme - je pense qu’on parlerait de ‘scientifique engagé’, dans ce cas.”
Difficile, aussi, de trouver un temps d’échanges suffisamment long avec les décideurs ou les journalistes, comme le montre Don’t Look Up. “Il m’est arrivé d’avoir par exemple 3 minutes (3 questions) pour présenter les points clés d’un rapport du GIEC à un chef d’État ou de gouvernement, un ou une ministre, un élu ou une élue. C’est court”, constate la scientifique française.
D’après elle, le film parle aussi de la manière dont fonctionnent certains médias et comment la désinformation se propage plus rapidement que les connaissances solidement établies.
La question des médias
“J’ai aussi souffert de cette dissonance lors d’interventions dans les médias, avec la question de la manière d’aborder des enjeux graves liés au changement climatique dans un monde médiatique qui cherche la distraction, les aspects simplistes, la dispute, le tout entre deux publicités favorisant la surconsommation et ce qui conduit le plus à émettre plus de gaz à effet de serre, et parfois avec des personnalités nombrilistes”, se souvient Valérie Masson-Delmotte.
Elle ajoute: “Par exemple, le récent rapport du GIEC de cet été, faisant le point sur le changement climatique, a été rendu public le 9 août, jour de l’annonce de l’arrivée attendue de Lionel Messi dans l’équipe du PSG...”
Alors, oui, la réalité est bien plus complexe que celle montrée dans Don’t Look Up, admet-elle. Cependant, le film “met l’accent sur les individus et le pouvoir (représenté via le sommet de l’État, les médias, les milliardaires de la tech), au détriment de tout ce qui fait société, des organisations collectives, des mécanismes de solidarité”. Qui plus est, cela pose aussi “la question de savoir d’où peut venir un sursaut pour sortir du déni”.
Alors qu’elle rappelle que le film “ne montre que partiellement le cynisme de ceux qui ont tout à gagner du statu quo”, à savoir “les marchands de doute qui ont sciemment construit la désinformation, le greenwashing et qui sèment la confusion”, Valérie Masson-Delmotte conclut sur une question: “Look Up ou Don’t Look Up maintenant?”
À voir également sur Le HuffPost: 5 détails de “Don’t Look Up” (Netflix) que vous avez peut-être manqués
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