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Surfer, mais pas trop, sur la vague des sports de nature - Gazette des communes

Trente-quatre millions ! Trois Français de plus de 15 ans sur quatre déclarent pratiquer un ou plusieurs sports de nature. Un nombre élevé, en droite ligne avec la définition très large de ces activités. Tels que codifiés dans le code du sport (art. L311-1), les sports de nature concernent toutes les activités qui « s’exercent dans des espaces ou sur des sites et itinéraires qui peuvent comprendre des voies, des terrains et des souterrains du domaine public ou privé des collectivités publiques ou appartenant à des propriétaires privés, ainsi que des cours d’eau domaniaux ou non domaniaux ». En conséquence, « les pratiques s’effectuent le plus souvent de façon autonome, dans un cadre qui n’est pas forcément structuré en termes d’encadrant et de licence », décrit Florence ­Giraud, responsable du « pôle ressources national sports de nature » (PRNSN).

Engouement renforcé

Pratiquée par 23 % des Français, « la randonnée pédestre est l’activité la plus prisée, devant la course à pied et le vélo. Ce dernier est en forte augmentation, sous l’impulsion du vélo à assistance électrique. C’est une vraie tendance qui illustre l’engouement pour toutes ces activités, renforcé par la crise sanitaire ». Directeur général de la Fédération française de randonnée (FFrando), Grégorie ­Lartigot acquiesce : « Les ventes de nos topo-guides ont crû de 90 % en 2021 par rapport à 2020, qui était déjà en hausse comparé à 2019. Enfin, à la mi-septembre, nous constations une croissance de 20 % des adhésions dans nos clubs. »

Dans ce contexte, l’heure apparaît plus que jamais à un « développement maîtrisé » des sports de nature, expression érigée en leitmotiv depuis quelques années déjà. Et pour cause, « le levier “sports de nature” est le plus souvent employé par les collectivités à des fins d’attractivité et de développement touristique », constate ­Ludovic ­Martel, maître de conférences en sociologie du sport à l’università di Corsica, à Corte, et coauteur d’ouvrages sur le sujet (1). « Plusieurs collectivités se sont aperçues qu’elles étaient allées trop loin. D’où cet enjeu de contrôle », notamment des flux de pratiquants, pour protéger l’environnement, améliorer la ­sécurité des sites, etc. C’est à travers l’article L.311-3 du code du sport que le législateur a confié les clés de ce développement maîtrisé aux conseils départementaux. Ces derniers « ont la responsabilité » (dixit le PRNSN) de mettre en œuvre un plan départemental des espaces, sites et itinéraires (PDESI) qui s’appuie sur une commission du même nom, la CDESI. Dans les faits, 63 départements déclarent bénéficier d’une CDESI, mais seuls 42 départements ont voté un plan. Quant à ceux qui ne sont pas engagés dans cette démarche CDESI-PDESI, « ils s’appuient sur d’autres leviers », comme le souligne ­Florence ­Giraud, se référant notamment au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR).

Enjeux environnementaux

« A l’origine, ces CDESI exerçaient un rôle de régulation et de gestion des conflits d’usage, poursuit-elle. Puis elles sont devenues un véritable outil au service de l’attractivité territoriale. » En ­Corrèze, département aux 2 876 kilomètres de sentiers et 270 circuits référencés, la CDESI existe depuis 2004. « Elle assure des missions de pérennisation des sites de pratique, dans le respect de l’environnement et des autres usagers », glisse ­Pascal ­Coste, président du conseil départemental, rappelant que l’ensemble est piloté par « la cellule “sports”, qui assure toute la partie technique du suivi de la politique dédiée aux sports de nature. Et ce, en collaboration avec l’agence départementale Corrèze tourisme, chargée de la promotion et de la valorisation de l’offre ».

Autre illustration dans le Pas-de-Calais, où la CDESI a été installée en 2013. « Elle compte une cinquantaine de membres répartis dans trois collèges : institutionnels, usagers des ESI puis gestionnaires et propriétaires d’espaces naturels, explique ­Ludovic ­Loquet, vice-président chargé du sport. Il s’agit d’un outil majeur pour la prise en compte des enjeux environnementaux tout en pérennisant les pratiques. » Avec une sensibilisation des élus et des acteurs de l’aménagement qui a conduit à un rapprochement avec le conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) local pour « intégrer les sports de nature dans les documents d’urbanisme », poursuit-il. Les plans locaux d’urbanisme intercommunaux en tête.

Au-delà des départements, des intercos investissent aussi le domaine. A l’image du ­Grand ­Besançon (68 communes, 194 400 hab.), où l’accent est mis non pas sur les « sports de nature », mais sur les « activités “outdoor” », nuance ­François ­Bousso, conseiller communautaire chargé de l’écotourisme et… de l’offre Grandes Heures nature ! Derrière ce jeu de mots, « le nom de l’offre “outdoor”, mise en place sur le territoire en 2017. A l’époque, il s’agissait de trouver un dénominateur commun, source d’attractivité, entre nos 68 communes. L’“outdoor” s’est imposé sur un patrimoine naturel d’exception. Aujourd’hui, cela prend notamment la forme d’un festival annuel, avec de nombreux rendez-vous entre juin et fin septembre, au cours desquels nous veillons à l’impact environnemental de chacune des manifestations ».

Escalade, vagues de surf, stades d’eau vive

De son côté, le Grand Guéret (25 communes, 28 800 hab., Creuse) s’est appuyé sur une forte pratique locale de VTT au début des années 2000, « devenue, au fil du temps, un vecteur d’attractivité », se remémore ­Stéphane ­Fabre, directeur du sport et du tourisme. Aujourd’hui, la stratégie repose sur la “­Station sports nature“ des monts de Guéret, lancée en 2013 « avec l’idée de créer de l’emploi et des retombées directes en matière de flux financiers », indique-t-il. Locations de VTT, parcours d’escalade sur le viaduc de Glénic, tyrolienne géante, canoë… le service « sport nature » est composé de 5,5 agents (équivalents - temps plein), soutenus par 10 saisonniers sur la période estivale. « Nous sommes passés de 1 500 usagers en 2014 à 10 000, sans compter tous les autres usagers des chemins et circuits qui génèrent des retombées indirectes, difficilement quantifiables », ajoute le directeur.

Pour le sociologue ­Ludovic ­Martel, « il s’agit aussi de capter et de maîtriser une demande hétérogène à laquelle répondent également des acteurs économiques. Avec l’enjeu de se rapprocher des pratiquants ». A travers, notamment, la conception des sites artificiels, à l’image de murs d’escalade, de vagues de surf ou de stades d’eau vive pour le canoë et le kayak. « C’est très controversé par rapport à l’environnement, reconnaît ­Florence ­Giraud, mais, dans une logique de développement des pratiques, il faut aménager des sites là où il n’y en a pas, dans la nature. » Le sociologue et programmiste ­Gérard ­Baslé pointe aussi l’influence des fédérations sportives : « C’est aussi au nom de l’équité et de l’homologation des records que sont créés des sites artificiels. »

Mais, à l’invitation d’­Arnaud ­Sébileau, enseignant chercheur à l’université d’Angers, « n’oublions pas que dans l’expression “sports de nature”, le mot le plus important, c’est “nature” »…

« La question est de savoir qui veut contrôler quoi »

Selon Arnaud Sébileau, enseignant-chercheur à l’institut de formation de l’éducation physique et en sport d’Angers estime que : « La notion de développement maîtrisé correspond à une injonction ministérielle. Mais la question est de savoir qui veut contrôler quoi ? Par endroits, la concurrence est forte entre les acteurs : défenseurs de la biodiversité, associations sportives et offre marchande. Et au milieu, les collectivités ont leurs ambitions de développer l’économie et le tourisme ou de contenir les flux, en jouant sur la maîtrise de l’espace au sein de la commune, en termes d’aménagement et/ou de protection. L’aménagement du territoire, pour canaliser cet espace et circonscrire les lieux de pratiques, est un enjeu important. Il s’agit de sécuriser l’activité, quitte à s’opposer, parfois, aux volontés des acteurs. »

« L’un des impératifs est de produire une offre destinée au tourisme »

Pour Pascal Coste, président du conseil départemental de la Corrèze : « Le département de la Corrèze a créé, en 2009, le premier label “Station sports nature“ en France. Dans ce cadre, nous apportons notre soutien, en fonctionnement et en investissement, à des structures associatives répondant à des critères exigeants et adaptés au caractère rural du territoire. Si l’un des impératifs est bien de produire une offre destinée à la consommation touristique, les “Stations sport nature“ sont aussi le support d’une ou de plusieurs activités fédérales dans notre département qui compte 11 000 licenciés pratiquant les sports de nature. Elles s’engagent à poursuivre leur activité toute l’année et à porter des projets éducatifs d’utilité publique locale. Les stations s’inscrivent comme de véritables partenaires pour les collectivités. Elles aménagent et gèrent des sites, en assurent l’équipement, l’entretien et leur animation pour tous les publics. »

Thèmes abordés

Notes

Note 01 Dont « Les sports de nature comme actions publiques », Ludovic Martel et Arnaud Sébileau, Territorial éditions, 2019 Retour au texte

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